Hans Urs Von Balthasar - Dans toute l’histoire universelle, il n’y a rien d’analogue à Jésus Christ

Je crois qu’il faut qu’on confronte les gens à l’Évangile dans sa totalité, au Christ intégral et non pas seulement à un charisme qu’on choisit. Il n’y a pas d’autre réponse aux questions essentielles des hommes. Nous nous retrouvons toujours au même point : les hommes doivent reconnaître le caractère de l’Evangile incomparable à tout ce qu’ils peuvent rencontrer d’autre au monde. Dans toute l’histoire universelle, il n’y a rien d’analogue à Jésus Christ, et il n’y aura jamais rien de tel : un homme qui sans arrogance parle et agit avec l’autorité de Dieu : « On vous a dit, mais moi je vous dis. » Ce moi a le poids de la voix de YHWH. Et il ne s’agit pas de simples paroles. Toute l’existence de Jésus, sa vie de travailleur, son message, sa mort, sa résurrection : tout en lui est une interprétation de Dieu. Si l’on cherche à décortiquer tout Jésus pour extraire un « Jésus de l’histoire », on ne comprend plus rien, de même que les disciples avant la Passion (et la Transfiguration) n’ont rien compris.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 62

Jésus, Dieu, Christ, Autorité, Figure historique, Charisme

Hans Urs Von Balthasar - La foi vécue est ce qui rend crédible, même sans qu’il y ait besoin de prêcher cette foi.

Même si nous ne pouvons pas imposer une éthique spécifiquement chrétienne aux non-chrétiens, nous devons néanmoins leur montrer qu’une existence dans ces normes est humai­nement crédible. La foi vécue est ce qui rend crédible, même sans qu’il y ait besoin de prêcher cette foi.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 61

Foi, Ethique chrétienne, Témoin

Hans Urs Von Balthasar - La machine qui devait libérer l'homme la lui a finalement volée

Nous baignons dans une forme de culture que l’on ferait mieux d’appeler culture technique à son stade terminal, dans laquelle l’homme court le danger d’être dominé par la machine qu’il a créée puis déshumanisée, dans la mesure où la machine par laquelle il espérait parvenir à la liberté lui vole précisément sa liberté.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p.57

Culture, Technique, Liberté

Hans Urs Von Balthasar - L'Eglise est supra-historique, la manière de transmettre la foi peut évoluer mais pas son contenu

Je ne vois aucune situation historique de l’homme et de l’huma­ nité pour laquelle le témoignage que l’Église rend au Dieu qui a tant aimé le monde jusqu’à lui livrer son Fils Bien- Aimé, puisse être périmé. On a tendance à oublier que l’Église, tout en cheminant avec l’histoire du monde, est au plus intime d’elle-même, supra-historique car elle est ancrée dans le définitif, dans l’éternel. (...) L’Église peut dans des situations historiques particu­lières adopter un langage particulier, mais le contenu du message qu’elle annonce dépasse ces différences, car il est valable pour tous les temps. Le vocabulaire, la dis­position des catéchismes, les méthodes pour prêcher et enseigner la foi peuvent évoluer, mais pas le contenu.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, pp. 45-46

Foi (contenu de la), Histoire (sens de l')

Hans Urs Von Balthasar - Pourquoi la contemplation chrétienne se perd ?

Je dirai d’abord que [la contemplation chrétienne] est devenue plus difficile, car une grande partie de ce qui l’inspirait autrefois (par exemple de bons sermons), est devenue rare, tandis que beaucoup d’autres facteurs la contrarient. Et pourtant, il y a, en particulier chez les jeunes, une vraie faim de contemplation authentique. Mais elle ne peut que rarement la trouver dans sa pureté, sans une solide initiation en Église, dispensée par un maître expérimenté.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 35

Contemplation, Prière, Contemplation (perte de la), Sermon, Monde (au sens évangélique), Maître

Hans Urs Von Balthasar - Les méfaits de la communication de masse sur la vie intellectuelle, contemplative et ecclésiale

Je pense aux moyens de communication de masse.

On connaît leur pouvoir de séduction sur les jeunes qui, devant les images qui défilent, ne sont même plus capables de poser la question du sens de la vie. (...) Mais je vois un aspect encore plus préoccupant sur le plan chrétien, et je pourrais en donner de nombreux exemples : dans les presbytères, le prêtre s’assoit le soir devant sa télévision, qu’il ait dit son bréviaire ou non. C’est tout juste s’il ouvre encore un livre. Ce qui se passe aussi dans les cloîtres. Je connais des maisons où les novices restent jusqu’à minuit devant la boîte à images au lieu d’étudier. Et si l’on suit les émissions de télévision dans un Carmel, à quoi sert-il de maintenir une clôture ? On ne saurait calculer combien la prière pour l'Église et pour le monde se perd à cause des médias, de quels trésors Dieu est spolié, de quelle aide indispensable la chrétienté est privée. Il n’y a rien d’étonnant à ce que ceux qui ont désappris l’authentique contemplation chrétienne doivent se remettre de leur nervosité psychologique sur un coussin zen. Il faut beaucoup d’ascèse, une ascèse humaine et chrétienne, pour faire un bon usage des médias, qui constituent quand même et du reste un bien en soi.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 34

Contemplation, Ascèse, Formation intellectuelle, Prière, Vie psychologique, Contemplation (perte de la)

Hans Urs Von Balthasar - Surnaturel était une simple redécou­verte d’un aspect important d’Augustin et de Thomas

  • Ce qui était alors, pour les professeurs de théologie les plus éminents, une nouveauté carrément hérétique

Henri de Lubac, qui enseignait à l’institut catholique de Lyon et malheureusement pas chez nous, demeurait le grand inspirateur: il faut dire que son Catholicisme, préparé pendant des années, consti­ tuait la première percée véritable vers une vision nouvelle de l’Eglise. (...) Le livre du père de Lubac était un recueil de passages inconnus tirés des Pères et de la grande théologie des Saints (en vérité une théologie des plus anciennes, qui ne pouvait paraître comme une « nouvelle théologie » qu’à quelques esprits attardés). Et quant à son Surnaturel, pour lequel il dut languir pendant des dizaines d’années dans les caves du Vatican, ce n’était rien de plus que la simple redécou­verte d’un aspect important d’Augustin et de Thomas, ce qui était alors, pour les professeurs de théologie les plus éminents, une nouveauté carrément hérétique (et qui l’est encore aujourd’hui aux yeux de quelques cardinaux), bien que les prétendues « nouveautés » du père de Lubac soient devenues aujourd’hui une évidence pour tout un chacun (et que certains en abusent d’une tout autre façon, qu'il n’aurait voulue).

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 22

Thomas d'Aquin (Saint), Saint Augustin, De Lubac (Henri)

Hans Urs Von Balthasar - Faire trouver le Christ ne passe pas par la transformation de structures d'Eglise

De sorte que la seule question que l’Église devrait se poser aujourd’hui est la suivante : à quoi devrais-je ressembler pour que les hommes puissent à travers moi trouver le vrai Christ ? La réponse ne réside évidemment pas dans la transformation de structures d’Église, dont on ne s’occupe malheureusement que trop, mais bien dans la manière dont l’Église peut devenir dans son existence une référence unique au Christ, ce qu’elle est déjà depuis sa fondation, et objectivement par sa constitution intérieure elle-même. Personne ne se convertira jamais au Christ parce qu’il y a un magistère, parce qu’il y a des sacrements, un clergé, un droit canon, des nonces aposto­liques, un gigantesque appareil d’Église. Mais tout au plus parce qu’on aura rencontré un catholique dont la vie et l’exemple auront fait apparaître à l’évidence que c’est précisément dans le domaine catholique que se trouve une manière, non : la manière crédible de suivre le Christ. Alors celui qui cherche le Christ s’accom­modera de l’Église. Le Concile a dit cela en deux endroits avec la plus grande clarté, ... etc.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, pp. 25-26

Eglise, Sequela Christi, Structure, Réforme, Annonce du Christ

Hans Urs Von Balthasar - Confusion peuple de Dieu / démocratie

Prenons encore la déformation du concept conciliaire de « peuple », traduit par « démocratie », ce qui entraîne la perte des racines christologiques de l’obéissance ecclésiale. Si la communio hierarchica des évêques, mais aussi celle de chaque chrétien, n’est pas comprise et vécue comme l’expression de la sequela Christi, tout est vain. Et, parallèlement, aucune conduite pastorale au sens catholique du terme n’est possible si elle a pour but non pas le Corps et l’Épouse du Christ, mais un peuple d’Église à la conscience démocratique.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 30

Obéissance, Peuple, Eglise, Démocratie, Sequela Christi, Pastorale