Alain Finkelkraut

Jean-Luc Mélenchon célèbre la créolisation de notre pays. La créolisation désigne « ce que produit la rencontre et l’entremêlement des cultures. C’est une poussée de vie ! ». Et Mélenchon précise : « Nous sommes déjà tous des créoles et nous le serons tous encore plus. Certains osent dire que ce n’est pas vrai alors même que la moitié des boutiques ont leur nom écrit en anglais, que tout le monde sur terre regarde les mêmes séries télévisées, que nos meubles sont les mêmes, comme les plats que l’on sert à table… » Le même, le même, toujours et partout le même. La fin de l’histoire, selon Mélenchon, ce n’est pas la société sans classe, c’est le grand mélange et le grand mélange, c’est l’uniformité du consommateur planétaire. La bienveillance pour l’islamisme, l’antiaméricanisme forcené et la promesse de l’américanisation sont les trois ingrédients du cocktail que La France insoumise veut faire avaler au peuple français. (Le Figaro, 3 juin 2022, p. 20)

Le constat de Mélenchon est en grande partie vrai (tout le monde est netflixé, qui n'a pas son meuble Ikéa ?, etc.), de là à embrasser et accélerer le mouvement, c'est évidemment une bien mauvaise chose. Personne ne veut une société dans laquelle chaque individu est identique à l'autre. D'où la critique d'A. F.

La fascination pour le même, du communisme à Mélenchon, est elle-même fascinante, surtout lorsque par ailleurs on célèbre à l'envie la différence et l'auto-création individualiste de soi.

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Universalisme, Communisme, Uniformité

Alain Finkelkraut

Jean-Luc Mélenchon a répondu sans ambages. C’était en 2019, lors d’un meeting dans la ville devenue « sensible » d’Épinay : « Je n’ai pas peur de le dire, ceux que vous voyez dans ces quartiers, c’est la nouvelle France. Celle sur laquelle nous nous appuierons pour construire et faire tout ce qu’il y a à faire dans ce pays demain, tout changer. » Sans lésiner sur la démagogie, le leader de La France insoumise a donc repris à son compte les aspirations, les aversions et les obsessions de cette « nouvelle France ». (Le Figaro, 3 juin 2022, p. 20)

Marx espérait la révolution des classes populaires de tout son être et il pensait qu'elle ne pouvait être que sanglante. On ne sait pas jusqu'où est prêt à aller Mélenchon dans son for intérieur, mais une chose est sûre, la notion de révolution a pour lui une saveur toute particulière.

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Révolution, Démagogie

Alain Finkelkraut

Jean Luc Mélenchon (...) a expliqué que, dans le monde qui vient, l’afflux de réfugiés était inéluctable et qu’il fallait y répondre par une hospitalité inconditionnelle. Les guerres et le dérèglement climatique vont conduire par milliers, par millions, voire par milliards, de pauvres gens à l’exode. Il faut être raciste (...) pour répondre à cette urgence par la discrimination entre le proche et le lointain, ou le réfugié politique et le réfugié économique. Il n’y a pas d’autre alternative, autrement dit, qu’entre le racisme et la submersion migratoire.
Les néoprogressistes plaident ardemment pour le grand remplacement qu’ils dénoncent pourtant à longueur de colonnes comme une théorie conspirationniste. Plus de France, plus d’Allemagne, plus d’Espagne, plus d'Ukraine, plus d’individus, plus de noms propres, mais une immense infirmerie, car, comme l’écrit Michel Serres, « à l’infirmerie, aucun ne souffre ni ne gémit bien différemment des autres. Universelle comme la violence et la mort, la douleur nous égalise. La même amertume sale la sueur, les larmes et le sang. » L’Ukraine et l’huma­nité tout entière méritent mieux que d’être noyées dans l’anonymat d’une espèce. D’autres leçons doivent être tirées de cette guerre que ce cauche­mar de l'interchangeabilité des êtres, et notamment que tout doit être fait pour préserver le trésor de la pluralité humaine. (Le Figaro, 28 mars 2022, p. 20)

Universalisme, Progressisme, Uniformité